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BTP & Construction
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23/9/2024

BTP : quel bilan carbone et comment agir ?

Un article écrit par

Margot PIAU MOREAU

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En 2022, le secteur du BTP représentait 21 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre chaque année selon l’ONU. Matériaux de construction carbonés, consommation d’énergie, le BTP fait face à des enjeux de décarbonation majeurs. La bonne nouvelle ? Des leviers d’actions sont possibles !

En France, le secteur produit 23% des émissions de GES chaque année. Pour répondre à ce défi, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) fixe des objectifs ambitieux : réduire les émissions de 49 % d’ici 2030 par rapport à 2015, et contribuer à la neutralité carbone d’ici 2050.

La transition vers un BTP décarboné repose sur plusieurs leviers : sensibiliser ses clients, repenser les usages des édifices dès leur conception, mieux concevoir et mieux construire, décarboner la phase chantier ou encore améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments.

Quel est le bilan carbone du BTP ? Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre des entreprises ? Réponses dans cet article.

Panorama de la filière BTP en France

Le secteur du BTP est un levier important de l’économie française. En 2022, il représente près de 15 % du produit intérieur brut (PIB) et plus d’1,5 million d’actifs.

C’est aussi plus de 530 000 entreprises françaises, dont 94 % dans le bâtiment et 6 % dans les travaux publics. Le tout représentant près de 360 milliards d’euros de chiffres d'affaires en France en 2021.

La filière compte deux typologies d’acteurs : conception et construction.

En amont de la chaîne de valeur, les concepteurs décident de la structure, de matériaux ou encore de végétalisation du projet. C’est une phase importante, car la conception détermine l’évolution et l’utilisation des bâtiments sur le long terme.

💡 Bon à savoir : Parmi les concepteurs, on compte les promoteurs, les agences d’architectes ou d’urbanisme, les bureaux d’études en ingénierie civile, ou les entreprises de services telles que des dessinateurs-projeteurs.

Ensuite, les constructeurs sont chargés de mettre en œuvre les projets, c’est-à-dire d’exécuter les projets de construction sur le terrain. Ils interviennent pendant la phase chantier.

💡 Bon à savoir : Les constructeurs sont composés d’entreprises de gros œuvre, de second œuvre et de fabricants.

Bien qu’ils interviennent à un moment différent de la chaîne de valeur, concepteurs et constructeurs partagent les mêmes enjeux de décarbonation.

Quel bilan carbone pour le BTP ?

💡 Bon à savoir : Le BTP est différent du bâtiment. Le BTP englobe le bâtiment (habitation, monument, bureaux, commerces, etc.) mais aussi les travaux publics (transport, réseaux, terrassement, etc.)


L’empreinte carbone nationale du secteur

En France, le BTP représente 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et 43 % des consommations énergétiques annuelles françaises. C’est l‘un des plus grands consommateurs d'énergie.

💡 Bon à savoir : l’échelle individuelle, le logement est responsable d’environ 19 % de l’empreinte carbone d’un français.

En 2019, le secteur du bâtiment et des travaux publics émettait 153 millions de tonnes équivalent CO2. À titre de comparaison, l’empreinte carbone totale de la France s’élevait à 605 millions de tonnes de CO2 équivalent.  

Maintenant, allons voir plus en détail les émissions de GES produites lors de la construction d’un bâtiment.

Zoom sur l'empreinte carbone d'un bâtiment

Prenons l’exemple d’un bâtiment pour comprendre les enjeux de décarbonation.

Le bilan carbone d’un bâtiment inclut l’ensemble de son cycle de vie, c’est-à-dire :

  • la conception,
  • La construction,
  • l’exploitation
  • et la démolition.

💡 Bon à savoir : l’exploitation correspond à la consommation d'énergie tout au long de la vie du bâtiment.

En moyenne, le bilan carbone d’un bâtiment provient à 70 % des matériaux (donc des matières premières) et 30 % de l’énergie.

En moyenne, le bilan carbone d’un bâtiment provient à 70 % des matériaux (donc des matières premières) et 30 % de l’énergie.

La phase d’exploitation des bâtiments est celle qui émet le plus de gaz à effet de serre.

En effet, en France, 46 % des bureaux et 41 % des logements sont chauffés au gaz. C’est la première source de consommation d’énergie en France, ce qui en fait un facteur clé de décarbonation.

De plus, la construction neuve est beaucoup plus émettrice que la rénovation d’un bâtiment ancien.

En adoptant une conception bas-carbone dès l’origine du projet, nous pouvons minimiser les émissions de gaz à effet de serre et les impacts environnementaux à chaque phase du cycle de vie du bâtiment.

Matériaux de construction et énergie : les deux enjeux majeurs décarbonation du secteur

Les matières premières et la consommation énergétique sont les deux enjeux majeurs dans la transition bas-carbone du BTP.

D’un côté, la production des matériaux de construction les plus répandus est très énergivore et soulève des questions environnementales. De l’autre, logements, bureaux et autres infrastructures entraînent une consommation d’énergie importante, notamment en phase de construction et d’exploitation.

Matières premières et matériaux de construction

Le BTP emploie plusieurs types de matériaux dont les principaux sont le béton, le ciment et le sable.

Béton et ciment, les deux matériaux phare du secteur

Le béton et le ciment font partie des matériaux les plus utilisés dans la construction.

Pourtant, la production du ciment représente 7 % des émissions mondiales de GES selon le GCCA (Global Cement and Concrete Association).

💡 Bon à savoir : le béton est composé de ciment, de sable et de graviers. Le ciment joue le rôle de liant. Il est la principale composante du béton puisqu’il constitue 90% de sa masse (le Shift Project). La décarbonation du béton passe donc par celle du ciment !

En France, nous fabriquons environ 16 millions de tonnes de ciment chaque année. Cela représente 10 millions de tonnes de CO2e, soit près de 2,5 % des émissions territoriales françaises selon le Shift Project.

La production de ciment est particulièrement énergivore, en raison du procédé de cuisson des matières premières nécessaire pour obtenir le clinker.

💡 Bon à savoir : le clinker est l’ingrédient principal du ciment. Sa production nécessite de chauffer du calcaire à très haute température (1450°), ce qui libère beaucoup de gaz à effet de serre.

Aujourd’hui, il existe des substituts pour réduire le taux de clinker contenu dans une tonne de ciment. C’est le cas par exemple du laitier (sous-produit de la production d’acier), du calcaire ou de l’argile calcinée (le Shift Project).

Il existe aussi des alternatives bas-carbone pour remplacer le béton (et donc le ciment) et réduire encore plus l’impact carbone de la construction. Vous pouvez par exemple privilégier les matériaux biosourcés et géosourcés, notamment :

  • La pierre (calcaires, grès, granit),
  • Le bois et ses dérivés (bambou, fibres de bois),
  • La terre crue (pisé, bauge, terre coulée, etc.).

Ainsi, choisir des matériaux de construction biosourcés ou géosourcés permet déjà aux entreprises de diminuer une partie de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Qu'en est-il des autres matières premières ?

Au-delà du béton, d’autres matériaux utilisés dans le secteur du BTP présentent des défis environnementaux. C’est le cas du sable. 10 milliards de tonnes de sable sont consommées chaque année dans le monde.

Pourtant, son extraction et sa transformation sont énergivores et contribuent à la diminution des puits de carbone.

L’acier est également une matière première fortement carbonée. Sa production nécessite des quantités importantes d’énergie. Mais cette énergie est souvent issue de combustibles fossiles, ce qui génère des émissions significatives de CO2.

En définitive, limiter l’impact carbone des matériaux de construction passe par plusieurs leviers : consommer moins de matières neuves, consommer plus de matières premières biosourcées et développer le réemploi. Nous creuserons plus ce point dans la partie suivante.

Consommation d’énergie fossile

La dépendance aux énergies fossiles est le deuxième défi dans la transition bas-carbone du BTP.

En effet, le secteur dépend des énergies fossiles tout au long de sa chaîne de valeur : de la production des matériaux de construction traditionnels, aux carburants utilisés sur chantier, ou au gaz destiné à la production de chaleur et d’eau chaude sanitaire (ECS).

Nous avons vu plus haut que la production des matériaux reposait en majorité sur les énergies fossiles. Sur les chantiers aussi, l'utilisation de carburants fossiles pour alimenter les machines de construction sur les chantiers reste encore très répandue, ce qui génère des émissions de GES.

En développant l’utilisation d’énergie décarbonée dans les procédés industriels, dans la fabrication ou sur les chantiers, les entreprises du BTP peuvent limiter leur consommation d’énergies fossiles et donc leurs émissions de gaz à effet de serre.

Que l’on soit concepteur ou constructeur, plusieurs leviers d’action sont à votre disposition pour entamer ou accélérer votre décarbonation.

Comment réduire les émissions de GES de la filière BTP ?

Vous vous demandez peut-être comment agir concrètement ? Voici des idées d’actions collectives à l’échelle du secteur ou de votre entreprise.

Décarboner l’ensemble de la filière BTP

Réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du BTP nécessite une approche collective. Depuis la conception des bâtiments jusqu’à leur démolition, tous les acteurs ont un rôle à jouer. Nous vous proposons quelques pistes.

  1. Créer et fiabiliser les facteurs d’émission spécifiques au BTP

Pour élaborer une stratégie de décarbonation performante, les entreprises du BTP doivent disposer d’un bilan GES fiable et précis. Malgré les progrès récents, il y a encore des manques pour l’estimation de l’impact carbone de certains matériaux et équipements.

Pour y pallier, vous pouvez :

  • Réaliser collectivement des analyses de cycle de vie (ACV) pour fiabiliser les données d’impact carbone et construire des référentiels précis ;
  • Enrichir la base de données Iniès pour faciliter les études d’impact.

1. Intensifier les efforts en matière de R&D

La poursuite de l'innovation dans les techniques de construction et la recherche sur l'impact environnemental des matériaux sont des leviers essentiels, notamment :

  • Développer des nouvelles techniques de construction à partir de matériaux biosourcés ;Travailler avec les industriels pour développer des innovations bas-carbone qui correspondent aux critères de qualité ;
  • Financer et développer des projets de R&D.

2. Développer les filières de recyclage et de réemploi

Développer une Filière de Recyclage Industrialisée à Grande Échelle pour traiter efficacement les matériaux de construction en fin de vie permettrait de maximiser les économies d'échelle, de réduire les coûts et de garantir la disponibilité des matériaux recyclés sur le marché.

3. Former les professionnels du BTP

La formation est un indispensable à la montée en compétences des acteurs du BTP sur les enjeux climat, les leviers de décarbonation ainsi qu’aux nouvelles techniques de construction. Et pour cela, nous recommandons de :

  • Intégrer les enjeux climat et éco-conception au cœur des formations initiales de génie civil ;
  • Sensibiliser et former les professionnels en entreprise.

En agissant collectivement, nous pouvons créer un effet de levier et diminuer durablement les émissions de GES du secteur !

Réduire l'empreinte carbone des bâtiments tout au long du cycle de vie

Décarboner le secteur du BTP passe par des actions globales mais aussi locales.

Repenser les usages des édifices, mieux concevoir et mieux construire ou encore décarboner la phase de chantier… Autant de leviers de décarbonation qui peuvent être mis en place à chaque étape du cycle de vie d’un bâtiment.

1. Repenser les usages des édifices dès la conception

Les choix lors de la phase de conception influencent la construction et l’évolution du bâtiment dans le temps. Pour une conception bas-carbone, vous pouvez choisir de :

  • Concevoir des bâtiments avec des modules réutilisables et reconfigurables pour anticiper les différents usages du bâtiment au fil du temps ;
  • Mutualiser les services d’un même bâtiment ;
  • Optimiser la conception pour réduire la superficie des espaces communs sans compromettre le confort.

2. Mieux concevoir et mieux construire

Ce levier porte sur trois axes : choisir le lieu de conception, diminuer la consommation d’énergie et diminuer l’impact carbone de la construction.

  • Adapter la conception des bâtiments pour maximiser l’efficacité énergétique naturelle (orientation, localisation, végétation) ;
  • Prioriser des sources d’énergies peu carbonées pour alimenter les projets (réseaux de chaleur, éolien, solaires, géothermie, etc.) ;
  • Concevoir des bâtiments à base de matériaux biosourcés et géosourcés ;
  • Réutiliser les matériaux provenant de la démolition d’un ancien édifice ;
  • Favoriser les ressources provenant de la filière de recyclage ou de réemploi.

Par exemple, l’entreprise Ribière - entreprises de maçonnerie générale et de génie civil - a rédigé un guide de bonne pratique pour le réemploi pour sensibiliser les conducteurs de travaux et faciliter sa mise en œuvre. L’entreprise teste aussi des méthodes de construction moins carbonées, comme la construction en terre.

3. Décarboner la phase chantier

Location, mutualisation, énergie décarbonée… Différentes actions sont possibles pour décarboner la phase chantier !

  • Privilégier l'utilisation de sources d'énergies renouvelables ;
  • Mettre en place des partenariats avec les collectivités afin d’avoir des locaux et des compteurs électriques à disposition ;
  • Rétrofiter ses équipements ;
  • Utiliser des carburants moins polluants ;
  • S’orienter vers la location plutôt que l’achat ;
  • Mutualiser les engins de chantier pour maximiser leur utilisation.

MGB est une entreprise spécialisée dans les travaux publics et filiale du groupe SERFIM. L’entreprise a fait le choix d’utiliser un carburant synthétique pour alimenter ses véhicules et engins de chantier. Les véhicules alimentés par le XTL consomment moins de carburant par rapport à ceux fonctionnant au GNR. Cette meilleure efficacité énergétique permet de compenser le surcoût initial du carburant.

Zoom sur les autres impacts environnementaux du BTP

Au-delà des émissions de gaz à effet de serre (GES), le BTP soulève des questions environnementales à propos de l’eau, des déchets et de la biodiversité.

Une consommation d’eau importante

La production de matériaux de construction, en particulier le ciment, est gourmande en eau. Il faut en moyenne 35 litres d'eau pour produire 1 kilogramme de ciment selon Veolia. Ce besoin en eau s'ajoute aux tensions existantes dans certaines régions en stress hydrique.

Des solutions sont en cours de développement, comme l’utilisation d’eaux usées recyclées ou l'utilisation de matériaux de construction moins gourmands en eau.

Des déchets de construction et de démolition

Le BTP génère près de 40 millions de tonnes de déchets par an, dont seulement 1 % sont réemployés. Ce volume considérable met une forte pression sur les décharges et entraîne des risques de pollution des sols et des eaux.

Mais cet impact peut être diminué en développant le recyclage, le réemploi et la valorisation des matériaux non-inertes.

Un risque pour la biodiversité  

L’extraction intensive entraîne érosion et perturbation des habitats aquatiques. Les conséquences sont la destruction des écosystèmes côtiers et marins.

De plus, l’étalement urbain et la construction d’infrastructures entraînent chaque année la conversion de 20 000 à 30 000 hectares de terres en France selon le MTES. C’est l’artificialisation des sols. Ce phénomène contribue à la destruction des habitats naturels et réduit la capacité des sols à stocker le carbone et à absorber l'eau.

💡 Bon à savoir : l'article 192 de la loi Climat et résilience définit l’artificialisation des sols comme "l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques [...] par son occupation ou son usage".

En définitive, la décarbonation du secteur du BTP repose sur une approche globale articulée en quatre axes majeurs :  repenser les usages des édifices dès leur conception, mieux concevoir et mieux construire, décarboner la phase chantier et réduire l’impact de l’entreprise.

Cette transformation ne peut se faire qu’avec une mobilisation collective de tous les acteurs de la filière, qu’il s’agisse des professionnels, des industriels ou des collectivités locales. Ensemble, les acteurs peuvent partager leurs expériences, mutualiser leurs ressources et innover collectivement pour surmonter les défis que pose la décarbonation.

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Sources

(1) Rapport sur l’état mondial des bâtiments et de la construction, ONU (2024)

(2) Tableau de bord de l’économie française, secteur Construction, INSEE

(3) Guide de décarbonation du BTP, WeCount (2024)

(4) https://batistesreves.fr/le-btp-c-est-quoi/

(5) Décarboner la filière ciment-béton

(6) BTP : réduire l’empreinte des bâtiments et des chantiers sur l’environnement

(7) Comment utiliser les eaux usées ? Batirama

(8) Eau, le défi de la sobriété - Fédération Française du Bâtiment

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L'expert·e co-auteur de cet article :

Gauthier LAFFONT

Consultant en stratégie climat

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